
Taisons nous
Les mots ne suffisent pas toujours...
lls peuvent prendre corps parfois par des tentatives désespérées de guider l'autre vers soi. Il se peut qu'ils restent inaudibles, car ils n'ont pas le pouvoir de transmettre l'âme intentionnelle. Ils vont se perdre alors dans le brouhaha de la pensée, dans la cacophonie de l'ennui journalier, qui occupe nos esprits et occulte les intentions, les élans...
Devant cet objectif de communiquer, le silence prend alors tout son sens, à qui sait tendre la bonne oreille pour écouter le vacarme silencieux, tous les bruits qui le composent : l'expression d'un regard, les oscillations d'un cil, les battements d'un coeur, une poitrine qui se soulève, les respirations, la crispation d'une main, le frisson sur une peau, les esquisses d'un sourire ; les blessures de l'âme accrochées à une ridule sont autant de mots qu'on ne dit pas....
Nous nous croyons obligés de remplir tous les vides d'une relation par des mots et des gestes. Nous avons l'ordre de verbaliser, l'injonction de communiquer dans cette société où tout le monde est si occupé à parler, qu'il n'y a plus personne pour écouter. Pourtant, il y a tellement à apprendre du silence, cet espace si particulier où l'autre nous invite à aller à sa rencontre, à caresser son âme sans imposer le chemin, à ressentir son intention...
A bien des égards, nous devrions féliciter les taiseux, remercier les silencieux.
Mais l'angoisse du vide, le besoin de contrôle, la phobie de la mort, la terreur d'être blessé au plus profond de son être, nous interdit ce silence, ce don de soi... La vie, ou plutôt ce que nous en avons fait, le vampirisme consumériste et l'immédiateté nihiliste, nous interdit cet acte d'amour.
"Taisons nous" est un texte écrit par Yvan Besnard. Tout droit de reproduction est interdit quel qu'en soit la forme sans un accord écrit de son auteur.