La civilisation opère une révolution au vingt-et-unième siècle

revolution de civilisation
"Il y a pire que de mentir au peuple ; c'est lui dire la vérité..." de moi-même courant la gueuse.


le xxi siècle est un changement de civilisation ; nous sommes dans une quadruple révolution dogmatique. Or chaque révolution sociétale entraine une résistance sociétaire... L'humain a le choix de se libérer de ses peurs ou de s'attacher à ses croyances. L'un est un pas vers l'inconnu et l'autre vers la dictature...

- Dogme I : l'aliénation au corps (physique)

La rationalisation des genres n'étant plus une nécessité de reproduction de masses laborieuses, le Patriarcat, c'est à dire la spécialisation économique et socio-politique des genres, s'effondre avec toutes ces institutions et ses mythes. Dans le même temps, les frontières entre homme et femme s'estompent puisque l'humain est de moins en moins fertile. Si une nouvelle égalité des sexes peut émerger des ruines, la reproduction est et sera de plus en plus sécurisée, assistée, mécanisée, robotisée au point de pouvoir se passer du genre humain totalement dans le système de procréation. L'appareil génital n'est plus ce dogme imposé depuis le IV siècle. La parentalité pourrait s'acheter et se vendre sur catalogue en achetant un bébé génétiquement choisi à des laboratoires. Notre rapport à la vie humaine, au corps et à la vie de manière plus générale, est déjà en train de changer. notre rapport à la mort change aussi. L'identité, le "JE" de chacun est en jeu. L'humain pourrait devenir le prochain élevage industriel. Le vivant pourrait être privatisé et le corps physique de l'autre (re)devient la nouvelle propriété à la mode.

La frontière physique entre l'être humain et la machine est de plus en plus poreuse. Ils s'interpénètrent de plus en plus par la prothèse mécanique et robotique. Plus de 70% de nos échanges sociaux entre êtres humains se réalisent dorénavant par une interface numérique connectée à un réseau global. L'informatique justement et la mécanique compensent les membres et organes défectueux des personnes handicapées d'une part, mais ils en améliorent les capacités d'autre part. Et dans la course à l'optimisation, la mécanisation et robotisation des corps pourraient devenir un critère de différenciation socio-économique. Il existe déjà des recrutements imposant l'inoculation d'un pass électronique sous la peau. Nous n'en sommes qu'au début et il est difficile d'entrevoir les portées positives comme négatives, mais les inégalités sociales devraient persister par l'accès, la capacité d'investissement en ces prothèses et leurs qualités. Et plus l'humain voudrait survivre dans ce paradigme et plus il perdrait son humanité.

La frontière intra-personnelle est elle-même de moins en moins stricte. Le monde extérieur occasionne des souffrances psychologiques à l'être humain. Et les blessures intérieures d'une personne peuvent générer des souffrances autour de lui. L'individu humain prend conscience de la porosité de son "Je" et de sa part de responsabilité dans les évènements qu'il est amené à vivre. Faire tomber la frontière psychique du corps, repenser l'importance du "moi" et du "non moi", entre la réalité intérieure et la réalité extérieure, c'est lui rendre sa capacité à cocréer et maitriser son milieu, à faire corps avec son environnement et la nature. Encore faut il ne pas tomber dans l'exagération d'une responsabilité paranoïaque, où seul le percevant est responsable de sa souffrance, ce qui conduit à une déresponsabilisation totale des coacteurs et à une société pulsionnelle.

l'humain quête son identité à nouveau parce que la matière s'interroge sur ses propres limites. Ces dernières ne sont déjà plus ce qu'elles furent, mais l'humain n'a toujours pas pleinement conscience de son futur, un futur faisant rêver l'Humanité. Ego se meurt et nous savons que le nomos matérialiste n'est plus tenable. "Je pense donc je suis" n'est plus ni satisfaisant ni suffisant ; c'est pourquoi nous devons changer de paradigme.

- Dogme II : l'aliénation au travail (économie)

La mécanisation, la robotisation et l'informatisation d'emplois ont remplacé l'humain dans beaucoup de domaines et plus particulièrement les postes de production . Il existe des usines sans opérateur de production, des entrepôts entièrement robotisés sans manutentionnaires, des caisses de supermarchés sans caissières, des écoles sans professeurs, des algorithmes qui remplacent les banquiers. Les secrétariats tiennent dans un ordinateur. Cette mutation devrait s'accélérer dans les prochaines années, libérant l'être humain de la tâche productive de biens mais aussi de services et l'émancipant ou l'asservissant aux pouvoirs.  L'intelligence artificielle pourrait quant à elle supplanter l'humain dans la prise de décision et l'invention. La supra I.A pourrait être en réalité un ersatz d'un Dédale omniscient, devant résoudre systématiquement les conséquences des solutions qu'elle propose. La notion de travail est à repenser dans sa nature la plus profonde, car il en est bouleversé et de moins en moins pertinent.

Mais l'économie reposant sur l'aliénation au travail ne pourra résister très longtemps à moins de se faire dictature. La morale basée sur l'effort et la méritocratie n'y résistera pas non plus. Sans travail, les personnes se retrouvent de ce fait sans salaire. Le modèle de la "société de services" où chacun est l'entrepreneur de son employabilité conduit à une mise en concurrence mortifère d'une armée d'esclaves sur les plateformes de networking et les réseaux sociaux (slaves markets). L'économie s'écroule par la concentration et l'épuisement des ressources sur lesquelles elle repose pour produire de la valeur. Sans une redistribution et une gestion plus équitable des ressources, une implosion sociale est à prévoir, entrainant des comportements extrêmes entre ceux qui n'ont pas et ceux qui ont. Le système des moyens de production et du partage des ressources est à repenser entièrement : Des machines travaillant au bien commun de l'humanité, ou des particuliers investissant sur plusieurs années dans des robots pour en obtenir un dividende individuel ; tout reste possible...

Plus personne ne veut ou ne peut rémunérer "le travail", c'est à dire le récompenser pour sa valeur. De l'autre côté, les êtres humains devraient se libérer des injonctions temporelles. Ils vont acquérir un temps libre conséquent qu'ils pourront occuper ou non dans différentes activités en fonction de leur accès aux ressources. L'occupation de ce temps libre devient un enjeu économique et personnel. Le temps d'échange peut devenir la valeur d'enrichissement. Mais dans ce même temps, les injonctions aliénantes finissent par engendrer un rapport paranoïaque jusqu'au burn-out et à la maladie. L'humain retrouve ici une limite. Il voudrait développer ses capacités par les nouvelles technologies et la formation à l'instar des robots et tendra à les mettre en pratique sur des projets dans des collaborations locales comme internationales. Encore que pour pratiquer une activité il est nécessaire de posséder une motivation. Mais sur quel paradigme faisons nous reposer cette motivation et comment s'assurer qu'il ne soit pas perverti comme la concurrence et la méritocratie qui ont conduit à la médiocratie ?

L'humain a de moins en moins de temps à consacrer au travail. Et puisque l'économie repose sur celui-ci, elle s'écroule avec lui. Dès lors que le temps ne représente plus une réalité essentielle de l'économie, que la compétition n'est plus l'enjeu personnel et social, il nous faut choisir un dogme sur lequel inventer un nouveau nomos qui nous différenciera ou non de la machine.

- Dogme III : l'aliénation au groupe (sociale)

Le pouvoir d'aliénation morale sur lequel s'appuyait l'identité d'un groupe social s'étiole. La famille et la nation s'en retrouvent désorganisées, éclatées, morcelées sous la multitude des morales existantes et des pressions socio-économiques. Les religions et économies, gardiennes de ces croyances limitantes, ne dupent presque plus personne. Les fausses menaces ne font plus les héros politiques. Le Sacré s'horizontalise et les églises se consument. La République, Le pouvoir vertical qui animait les nations, se meurt avec elles, en s'effondrant sur son propre poids ; les démocraties se désagrègent. La tribu numérique remplace la famille, le village, la nation. Les frontières territoriales disparaissent.

Les frontières sociales disparaissent en même temps. Internet est une nouvelle planète  habitée par des internautes, sur laquelle des groupes de pouvoirs tentent de (re)dessiner des démarcations limitantes. L'interpénétration des modes sociaux relativise constamment le ciment du groupe qui le constitue. Il en devient protéiforme et cosmopolite telles les cellules vivantes. On y vient, on en repart. On s'y attache pour ses valeurs, on s'en détache pour ses croyances. Chacun évolue en fonction des groupes qu'il expérimente, et fait évoluer le groupe en fonction de son apport. La vérité intangible se meurt. Plus personne ne détient "La Vérité" absolue. Les vérités se font et se défont au moment même où elles se vivent. Le zapping social est en marche.

L'expérience de vie devient un mode de liaison sociale dans la période où elle s'expérimente. Le groupe ne restitue plus de la distinction et de la reconnaissance individuelle pour l'apport de la personne, mais la reconnaissance individuelle va vers le groupe pour l'expérience qu'il a donné à vivre et des enrichissements pour lui-même. C'est à chacun de se reconnaître individuellement, d'apprendre à reconnaitre sa propre évolution. Les bulles relationnelles et professionnelles explosent aussi vite qu'elles se créent, dès les objectifs atteints ou non. Ce qui compte, c'est l'immédiateté de l'intérêt exploité en lobbying. Les pouvoirs publics pourraient devenir alors un outil de régulation par un service public généralisé. Chacun est libre de vivre pour ses propres expériences, s'il consent à donner une partie de son temps à réguler le groupe. Encore faut il inventer les paradigmes de cette régulation, si on ne souhaite pas voir réapparaitre des inquisitions où tout le monde surveille tout le monde, selon ses propres valeurs, où celles d'un groupe dominant.

L'humain peut se libérer des injonctions communautaires pour expérimenter les limites de ses croyances dans des ailleurs sociaux. Mais les moyens d'y parvenir restent à sécuriser, afin d'éviter les sectarismes. Et entre les mains d'une minorité, ce futur ne pourrait être en réalité qu'un retour en arrière, basé sur l'adhésion obligatoire à des croyances dogmatiques, un renforcement extrême de la servilité dans une société médiocratique.

- Dogme IV : l'aliénation à la pensée (philosophie)

La méthode cartésienne vit ses dernières décennies. La pensée linaire basée sur la raison par sommation ou soustraction ne se suffit pas. Ce raisonnement exclusif empruntant un raccourci pour déduire une causalité s'effrite peu à peu. La pensée cartésienne n'explique que le cheminement suivi, la branche sans pouvoir justifier l'arbre et son environnement, sans pouvoir expliquer les relations du système global. "Je pense, donc je suis" n'explique toujours pas l'infinie complexité de l'univers, le où je suis, le pourquoi je suis. C'est l'aliénation à la pensée, la rationalisation des esprits cher à Platon, sous sa forme exclusive qui agonise. Une réflexion plus systémique devrait émerger des décombres pour appréhender l'univers sous toutes ses formes.

La domination de l'Homme sur son environnement prend fin ; ou c'est l'Homme qui prendra fin. La nature n'est pas un produit au service des caprices des humains comme l'affirmait Descartes. L'état de la planète et les enjeux biologiques nous le prouvent. Avec la fin de cette appropriation de la Nature, nous devrions voir la fin de la propriété, en tout cas sous sa forme actuelle, et de certains liens de subordination institutionalisés. Le streaming est un exemple de la remise en question de la propriété. L' être humain n est plus l'élu de la création. Il prend difficilement conscience de sa réelle fragilité dans un système biologique où il n'est qu'un simple maillon de la chaîne. Ses connaissances scientifiques font tomber les anciens paradigmes de notre supériorité sur l'animal. Les bactéries ont autant de poids que l'humain puisqu'elles sont capables de nous éradiquer pour survivre.

La pensée bourgeoise verticale, avec son histoire de domination exclusive, ses valeurs mythiques popularisées, ses propriétés et ses héros travestis, son enseignement scolaire d'obéissance, de repentance et d'effort, s'effondre avec leurs pouvoirs économiques et politiques. Les constats écologiques et humains sont sans appel : ils montrent l'impasse de cette organisation rationelle. L'enseignement ne vient plus d'en haut, du maitre vers l'esclave, du maitre vers l'élève. Le disciple s'émancipe de l'obéissance aveugle en ses maitres et ses chefs. Les pouvoirs s'horizontalisent. Les théories sont rééprouvées systématiquement par l'expérimentation. Les mensonges philosophiques des castes échouent sur les rivages des sciences humaines. Les peuples se réapproprient leurs histoires. L'important n'est plus ce qu'on sait ou croit savoir mais le chemin emprunté ensemble.

On inclut ; et le genre humain veut être inclusif. C'est sa nature véritable. Seule, la méchante peur conduit à l'exclusion.. Pourtant l'ancien monde entend imposer ses valeurs en distillant cette peur, en instituant partout où il le peut des dictatures moralisatrices, en répondant par la violence aux êtres humains, refusant de les affranchir, afin de mieux réaffirmer ses dogmes, ses propriétés et ses privilèges issus d'une Grèce antique. Son récit mythologique  s'effondre. Parce qu'il a peur de ne plus être. Parce que se sont les idéologies de la civilisation indo-européenne qui s'étiolent, trahies par ceux-là même qui la dirigeaient.

L'être humain devrait perdre sa place centrale dans sa galaxie mais aussi en tant qu'espèce. Plus l'être humain libère les autres de ses projections, plus il se libère lui-même de ses propres croyances. Alors seulement il peut se révéler l'infini.